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Cabinet Avocat en Tunisie Maitre Imen Nasri

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LE DROIT DE L’ARBITRAGE INTERNATIONAL EN TUNISIE

Kalthoum MEZIOU
Professeur à la Faculté des Sciences Juridiques
Politiques et Sociales de Tunis.

 

 

Dans le mouvement généralisé de réformes que connaît l’arbitrage depuis quelques années, la Tunisie s’est singularisée. Elle ne s’est pas contentée de modifier les dispositions du CPCC relatif à la matière, la Tunisie s’est dotée, le 26 avril 1993, d’un Code de l’arbitrage.
La réforme, sinon le Code était nécessaire ; la doctrine avait depuis longtemps dénoncé les insuffisances du CPCC : ambiguïtés de certaines dispositions, complexité des voies de recours, lacunes nombreuses essentiellement en matière internationale puisque un seul article envisageait la question et se contentait d’assimiler, en vue de l’exequatur, la sentence rendue à l’étranger à un jugement étranger. Les autorités conscientes de l’importance de la procédure de règlements des différents, spécialement au regard des partenaires étrangers, avaient mis en place une commission de réformes.
Il a fallu une longue gestation d’une quinzaine d’années pour réaliser une refonte totale de la matière. Le législateur a voulu, tout à la fois, actualiser et simplifier tant l’arbitrage interne qu’international et tenir compte, pour ce dernier, des développements récents de la matière. Pour ce faire, il adopte une réglementation duelle de l’arbitrage. Après un chapitre consacré aux dispositions communes, les chapitres deux et trois sont respectivement consacrés à l’arbitrage interne et à l’arbitrage international.
Une impression très nette se dégage de l’ensemble, le législateur est aujourd’hui favorable à l’arbitrage conçu comme l’une des pièces de la nouvelle politique économique de la Tunisie marquée par le désengagement de l’Etat, la privatisation et l’ouverture sur le monde extérieur ; son libéralisme est patent (I), mais l’essentiel n’est pas seulement dans l’énumération abstraite des règles, il est aussi dans la pratique, dans son acceptation par les parties et dans l’attitude des juges. A cet égard, l’attitude de la jurisprudence semble évoluer, assez réservée avant la promulgation du Code, elle paraît plus favorable à l’arbitrage mais cela n’est pas exclusif de certaines positions ambiguës (II).
I- Dans les relations internationales, le recours à l’arbitrage est conçu, analysé et présenté comme une garantie juridique fondamentale qu’accorde la Tunisie, pays d’accueil, à l’investisseur étranger .L’arbitrage est, pour l’Etat, un moyen de favoriser le commerce international ou plus spécialement de favoriser les entreprises nationales engagées dans le commerce international. Le libéralisme du législateur s’est traduit par l’adoption des solutions de la loi-type de la CNUDCI, solution qui est apparue comme la voie la plus sure pour être en harmonie avec la communauté internationale. Le législateur a repris à son propre compte l’affirmation d’un auteur qui estimait que « C’est faire preuve d’un conformisme de bon aloi que de se rallier à des règles proposées par une instance internationale ». Le législateur reprend les solutions de la loi-type avec le souci de conserver le maximum de dispositions avec le même enchaînement ; son conformisme est d’ailleurs parfois poussé bien loin puisqu’il n’a pas tenu compte des critiques qui ont pu être adressées à la loi-type par la doctrine. Il a cependant apporté certaines adaptations et même quelques innovations parfois malvenues mais le plus souvent interventions que l’on peut qualifier d’heureuses. L’ensemble
traduit bien les tendances actuelles du droit international de l’arbitrage caractérisé par une plus grande liberté (A) et par un souci de sécurité (B).
A) L’élargissement du champ de la liberté est patent et se constate à différents niveaux.
Le Code adoptant une réglementation duelle de l’arbitrage, il convient par conséquent de définir en premier lieu l’arbitrage international. L’article 48 du Code commence par reprendre intégralement la définition de la loi-type sans tenir compte, sur ce point, des critiques qu’elle a pu soulever. L’internationalité de l’arbitrage résulte de l’internationalité économique du contrat, du flux et du reflux monétaires et de marchandises à travers les frontières mais l’internationalité de l’arbitrage peut également être conventionnelle, décidée par les parties par la simple fixation du lieu de l’arbitrage à l’étranger ou la stipulation de l’existence de liens avec plus d’un pays. Mais le texte tunisien ne se contente pas de cette définition, après la reprise de l’énumération faite par la loi-type, il rompt avec la casuistique et ajoute une définition synthétique, l’arbitrage est international si « d’une manière générale, il concerne le commerce international » reprenant ainsi la solution de l’article 1492du NCPC français.
La faculté de compromettre de l’Etat est reconnue. L’article 7 maintient l’interdiction faite à l’Etat, aux collectivités publiques et aux établissements publics à caractère administratif de compromettre mais cette interdiction est limitée aux relations internes, en revanche, il valide la convention d’arbitrage lorsqu’il s’agit « de rapports internationaux d’ordre économique, commercial ou financier ». Ce sont les rapports eux-mêmes qui doivent être internationaux, il s’agit là d’une conception objective de l’internationalité qui seule doit être retenue s’agissant de contrats d’Etat.
Pour le reste, la liberté se manifeste par le détachement de l’arbitrage par rapport aux lois étatiques.
Ainsi en est-il pour la constitution du tribunal arbitral et pour la procédure. Les règles applicables sont celles que les parties se sont données, soit directement soit par référence à un règlement d’arbitrage. Le silence des parties ne donne pas lieu pour autant à l’application de règles étatiques obligatoires. Il appartient aux arbitres de fixer librement la procédure à suivre. Leur pouvoir n’a pour limite que le respect des « principes fondamentaux de la procédure civile et commerciale et notamment les règles relatives aux droits de la défense »1.
La liberté se manifeste également quant au fond. L’arbitre est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit. Il peut se voir reconnaître par la convention d’arbitrage les pouvoirs d’amiable compositeur. Mais le législateur s’est écarté ici de la rédaction de la loi-type. Selon l’alinéa 1er de l’article 73, l’arbitre doit appliquer la loi choisie par les parties. Cette rédaction résulte en fait d’une mauvaise traduction du texte de l’arabe vers le français, le texte en langue arabe vise expressément « les règles de droit », et c’est ce dernier texte qui fait foi, les parties peuvent donc choisir des règles non étatiques.
A défaut de désignation, le Code s’écarte de la loi-type, l’arbitre ne choisit pas la règle de conflit, le tribunal arbitral applique la loi qu’il estime appropriée ; il s’agit, dans ce cas, nécessairement de la loi d’un Etat. On retrouve également l’obligation faite aux arbitres d’appliquer en toutes circonstances les stipulations du contrat et de tenir compte des usages du commerce international.
L’autonomie de l’arbitrage international se traduit également par l’allègement des voies de recours judiciaires dont il peut faire l’objet. C’est là que le législateur tunisien réalise la meilleure des clarifications et la plus utile des simplifications. Il supprime des voies de recours, désormais, en matière internationale, la seule voie de recours ouverte est le recours en annulation. Le législateur permet également aux parties de renoncer à ce recours si elles n’ont pas en Tunisie de domicile, de résidence ou d’établissement.

 

Ce libéralisme du législateur se conjugue avec un souci de sécurité et d’efficacité.
B)- La faveur pour ce mode de règlement des différents se traduit par un renforcement de l’efficacité de la convention d’arbitrage et par une lutte contre les manoeuvres dilatoires. Pour ce faire, le législateur reprend des principes aujourd’hui affirmés sur le plan international par la jurisprudence, par des lois récentes, par les conventions internationales et que l’on retrouve dans la loi-type. Il en est ainsi de l’autonomie de la clause compromissoire qui échappe à l’éventuelle nullité du contrat dans lequel elle est insérée et de la compétence de l’arbitre à l’effet de statuer sur sa propre compétence, règles qui tendent à éviter tout contentieux judiciaire préalable ou contemporain de la procédure arbitrale.
De même, l’arbitre peut compter sur le concours du juge étatique qui intervient pour lui prêter assistance. Le juge intervient pour faciliter la désignation des arbitres, soit en cas de défaillance d’une parties soit en cas de récusation ou révocation ; il peut, à la demande du tribunal arbitral, prêter assistance pour l’obtention des preuves. Il peut également intervenir, à la demande d’une partie, pour accorder des mesures provisoires ou conservatoires, ou à la demande du tribunal arbitral si l’une des parties ne se conforme pas aux mesures provisoires ou conservatoires ordonnées par ce dernier.
Dans la phase post-arbitrale, les juridictions étatiques interviennent en raison d’une demande en annulation, elles peuvent intervenir en vue de la reconnaissance et de l’exécution des sentences arbitrales. Dans l’un et l’autre cas la Cour d’appel de Tunis a compétence exclusive, le législateur a voulu concentrer le contentieux relatif à l’arbitrage international devant une même juridiction, dans la capitale.
Les motifs d’annulation sont identiques à ceux prévus pour le refus de l’exequatur, ils sont quasiment identiques à ceux prévus par la loi-type qui reproduit elle-même les dispositions de la Convention de New York. Deux différences sont à signaler.
Dans la loi-type, la validité de la convention d’arbitrage s’apprécie « en vertu de la loi à laquelle les parties l’ont subordonné. A défaut de ce choix, la loi de l’Etat où est requise la nullité, est applicable » (art. 34-2 al 1), la solution tunisienne est plus libérale, en indiquant l’application des règles de droit international privé pour juger de la validité de la convention, à défaut de choix, le Code permet de recourir aux règles du commerce international.
La deuxième différence est relative à l’ordre public, alors que la loi-type annule la sentence ou lui refuse l’exequatur lorsque le tribunal constate « qu’elle est contraire à l’ordre public du présent Etat » le Code de l’arbitrage prévoit que la sentence doit être contraire à « l’ordre public au sens du droit international privé ».
Dans le but de sauver l’arbitrage et conformément à la loi-type, le Code prévoit la possibilité d’une suspension de la procédure d’annulation, à la demande d’une partie et pendant une période dont la durée est fixée par la Cour. La procédure est renvoyée devant le tribunal arbitral qui peut prendre toute mesure qu’il juge susceptible d’éliminer les motifs d’annulation.
Enfin et toujours dans le souci de gagner du temps et d’éviter un procès, le Code de l’arbitrage prévoit une disposition originale qui n’est pas héritée de la loi-type. Lorsque une annulation totale ou partielle est prononcée, la Cour, « à la demande de toutes les parties, peut statuer au fond. Elle peut agir en qualité d’amiable compositeur si le tribunal arbitral en avait la qualité ». Enfin, le rejet du recours en annulation confère, quant à lui, l’exequatur. Cette solution s’impose rationnellement, les procédures se déroulent toutes deux devant la Cour d’appel de Tunis et les motifs d’annulation étant identiques à ceux du refus d’exequatur, cette solution permet de faire l’économie d’un procès.
Le libéralisme du législateur peut cependant rester lettre morte si les juridictions étatiques ne jouent pas le jeu, si elles manifestent une méfiance à l’égard de l’arbitrage. A ce niveau, on
3
peut affirmer que depuis la promulgation du Code de l’arbitrage, la situation a évolué, de la concurrence et la méfiance, on est passé à un rapport de coopération et de complémentarité.
II- La promulgation du Code de l’arbitrage et le discours politique qui l’a accompagné ont eu, tous deux conjugués, des répercussions positives. Aujourd’hui, l’arbitrage se développe rapidement dans les relations internes où il était auparavant quasiment inexistant ; il est, en Tunisie comme ailleurs, le mode normal de règlement des différents du commerce international.
Cette acceptation de l’arbitrage n’est pas le seul fait des parties, cela semble bien être également le cas pour les juridictions étatiques. Cette acceptation est une condition nécessaire à l’existence d’un système efficace et moderne. En effet, si le juge prête main forte à l’arbitrage, son attitude ne peut que décourager les manoeuvres dilatoires et favoriser l’exécution volontaire des sentences.
On constate aujourd’hui, et cela est bon signe, que la proportion de rejets du recours en annulation et la proportion de l’octroi de l’exequatur est en augmentation. Cela peut s’expliquer par l’amélioration de la qualité des sentences arbitrales ou par la disparition de la méfiance qui pouvait exister chez les juges à l’égard de l’arbitrage ou par la conjonction des deux phénomènes. Aujourd’hui, les juridictions étatiques semblent jouer le jeu, les juges semblent vouloir obliger les parties à accepter les conséquences de leurs engagements d’arbitrage. Cette attitude des juges, aujourd’hui favorable à l’arbitrage, est certaine et se manifeste de différentes façons. Il n’en demeure pas moins que certaines dispositions législatives sont trop rigides et certaines positions de la jurisprudence posent problème. Ceci se constate pendant la phase de la procédure arbitrale (A) et dans la phase post-arbitrale (B).
A)- Pendant la procédure arbitrale, les manoeuvres dilatoires risquent bien d’aboutir au prolongement injustifié de la procédure arbitrale. Le Code ouvre, en effet, la voie de manière excessive aux possibilités de suspension et la jurisprudence amplifie par son interprétation les inconvénients des dispositions législatives.
Certaines des causes de suspension prévues par le Code risquent de perturber sensiblement l’instance. Ainsi, en cas de demande de révocation ou de récusation d’un arbitre, le Code prévoit la compétence de la Cour d’appel de Tunis et prévoit, contrairement à la loi-type, la suspension de l’instance arbitrale dans l’attente de cette décision.
De même la question de la compétence de l’arbitre offre matière à manoeuvres dilatoires. L’article 61-3 semble obliger les arbitres à se prononcer par une sentence partielle sur la compétence, les parties peuvent, dans un délai de trente jours demander à la Cour d’appel de rendre une décision sur ce point, et là également le législateur se singularise par rapport à la loi-type. Le recours devant la Cour d’appel a un effet suspensif, la reprise de la procédure sera subordonnée au résultat de la décision prise. Certes, il est prévu que la Cour doit statuer sur la demande dans un délai ne dépassant pas 3 mois à partir de la date du dépôt de la demande, mais il n’est pas certain que le délai de 3 mois sera, en toutes hypothèses, respecté, le tribunal arbitral devra attendre sans poursuivre l’instance, ce qui peut le conduire à une totale impuissance.
La jurisprudence tunisienne de façon générale aujourd’hui favorable à l’arbitrage intervient cependant de façon excessive dans la procédure arbitrale par le biais de la suspension. Ainsi a-t-on vu le Premier Président de la Cour d’appel adresser un ordre à l’arbitre de suspendre la procédure arbitrale jusqu’à ce que la Cour d’appel se prononce sur la récusation, en estimant que cette compétence pour ordonner au tribunal arbitral de suspendre la procédure est implicite dans les textes. Dans d’autres hypothèses, la jurisprudence semble aggraver la rigueur de la loi, elle interprète de façon extensive le régime de la suspension.
Dans une affaire2, la Cour d’appel de Tunis a considérablement limité les pouvoirs des arbitres lorsqu’un incident criminel est soulevé. La cour estime, qu’en matière internationale, du moment que l’exception pénale est sérieuse, et qu’elle a une relation directe avec le litige pénal, les arbitres ont l’obligation de suspendre la procédure arbitrale, à défaut, leur sentence encourt l’annulation.
Dans une autre affaire, la Cour d’appel crée un cas de suspension non prévu par les textes. La Cour devait se prononcer sur la possibilité de saisir directement la justice publique d’une demande d’annulation d’une convention d’arbitrage pour contrariété à l’ordre public. Une instance arbitrale est déclenchée ultérieurement à la saisine de la justice publique, les arbitres rendent une sentence partielle sur la compétence, se reconnaissent compétents et refusent de surseoir à statuer en attendant que la justice publique se prononce sur la validité de la convention d’arbitrage. Cette sentence est annulée, la Cour estimant que l’absence de suspension de l’instance par les arbitres rend la sentence partielle qu’ils ont rendue contraire à l’ordre public et, de ce fait, nulle.
On assiste enfin, en matière de suspension de la procédure arbitrale, à une tendance assez dangereuse. Alors que de façon générale, la jurisprudence a veillé à n’identifier comme principe fondamental de la procédure que les principes inhérents à toute justice, la nécessaire suspension de la procédure arbitrale a été identifiée comme telle3. Il en résulte que le simple fait de la non suspension permet d’annuler ou de refuser l’exequatur de la sentence arbitrale.
B)- On constate au niveau des décisions publiées que la jurisprudence veille à l’efficacité de la sentence arbitrale, la procédure aboutit le plus souvent à l’octroi de l’exequatur et au rejet du recours en annulation (2) mais un problème demeure, à ce jour, non tranché de manière définitive par les juridictions (1).
1) Une question demeure controversée et suscite débats devant les tribunaux et au niveau de la doctrine. Il s’agit du caractère interne ou international de l’arbitrage. La question s’est posée de savoir si le juge devait ou pouvait requalifier l’arbitrage. Sur cette question, Cour de cassation et Cour d’appel n’adoptent pas la même position. Pour la Cour d’appel, la qualification de l’arbitrage comme étant interne ou international est une question qui touche à l’ordre public, de celle-ci dépendent la compétence des juridictions, les voies de recours ouvertes ainsi que les délais. La Cour de cassation est d’un avis contraire, pour elle, la sécurité juridique impose de s’en tenir à la qualification retenue et elle refuse au juge le pouvoir du contrôle de la qualification. Cette solution vient d’être rappelée dans un arrêt récent4.
2)- Pour le reste, les juridictions paraissent favorables à l’arbitrage.
Rappelons que le contrôle se ramène à trois idées principales.
_ La vérification de la base conventionnelle de l’arbitrage et du pouvoir juridictionnel de l’arbitre.
_ La vérification de la régularité de la procédure entendue de façon large englobant la constitution du tribunal arbitral et le respect des droits de la défense.
_enfin la conformité à l’ordre public.
Notons tout d’abord que la Cour d’appel a estimé que les mesures provisoires et conservatoires ordonnées par le tribunal arbitral ne sont pas susceptibles de recours en annulation5.

Après quelques hésitations sur un certain nombre de question, la Cour d’appel de Tunis et la Cour de cassation ont clairement affirmé à plusieurs reprises que les motifs d’annulation et de refus d’exequatur sont énumérés par le Code et qu’ils sont d’interprétation stricte.
Cela a été jugé concernant l’article 10. Celui-ci prévoit et cela est valable aussi bien pour l’arbitrage interne qu’international, que l’arbitre- s’il est agent public- doit obtenir une autorisation de l’autorité compétente. Des recours en annulation ont été formés fondés sur la non-conformité de la constitution du tribunal arbitral à la loi pour défaut d’autorisation. La jurisprudence d’abord contradictoire s’est aujourd’hui stabilisée. L’article 10 concerne les rapports entre l’agent public et son administration et le défaut d’autorisation ne peut constituer un motif d’annulation6.
Deuxième exemple, il concerne cette fois-ci l’arbitrabilité des litiges. L’article7 du Code de l’arbitrage affirme que l’on ne peut compromettre dans les matières touchant à l’ordre public. Il a été décidé que l’arbitrabilité était le principe et l’inarbitrabilité l’exception, que l’article 7 devait s’interpréter également de façon restrictive et qu’il ne suffisait pas qu’une matière touche à l’ordre public pour devenir inarbitrable.
Concernant l’ordre public au fond, il a été soutenu devant la Cour d’appel qu’une sentence condamnant une partie tunisienne au paiement d’une somme d’argent libellée en devise étrangère était contraire à la législation régissant le change et le commerce extérieur, législation qui concerne l’ordre public et qui est applicable immédiatement en tant que loi de police, en conséquence de quoi l’exequatur devait être rejeté. La Cour d’appel ne suit pas ce raisonnement, elle estime que la partie tunisienne a reçu la somme en dollars américains et qu’elle devait la restituer dans la même devise, que la solution inverse amènerait la partie tunisienne à se soustraire à ses engagements contractuels, que ceci serait une violation de l’ordre public économique au sens du droit international privé, ordre public qui favorise les investissements étrangers en Tunisie7. Cette solution est reprise dans d’autres affaires.
La Tunisie a voulu mettre tous les atouts de son côté pour aider au développement économique, l’arbitrage en constitue l’une des pièces essentielles mais pour cela, il fallait introduire et ancrer cette justice privée comme un substitut de la justice publique offrant l’avantage de mieux répondre à des besoins spécifiques. On peut affirmer que le défi est relevé, l’arbitrage perçu il y a à peine quelques années comme une justice étrange venue d’ailleurs , est aujourd’hui le mode normal de règlement des différents du commerce international. Il n’est pas excessif d’affirmer que, au-delà des dispositions parfois maladroites ou des interprétations parfois rigides, peu à peu mais en somme assez rapidement, est en train de se constituer une véritable culture de l’arbitrage.

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1 Article 13 al.4 CA

2Cour d’appel de Tunis 23 octobre 2001, arrêt n° 101, RJL 2002, 4, p. 245.
3Cour d’appel de Tunis 23 octobre 2001, précité.
4 Cour de cassation, arrêt n° 4674, 18 janvier 2007, inédit.
5 HEC Montréal/ ISA Tunis, CA Tunis 8mai 2001, RJL 2002 p.223.

Bibliographie en langue française.
-L’arbitrage international dans le nouveau code tunisien. Actes du colloque. Centre d’Etudes Juridiques et Judiciaires. 1993.
-Kalthoum Meziou et Ali Mezghani, Le Code tunisien de l’arbitrage, Revue de l’arbitrage 1993 p.521.
-Mohamed Ammar, L’arbitrage en Tunisie depuis l’édiction du Code de l’arbitrage, Revue de l’arbitrage 2000 p.247.
-Lotfi Chedly, Arbitrage commercial international et ordre public transnational, CPU 2002.
-Lotfi Chedly, L’instance arbitrale entre le « marteau » de la loi et « l’enclume » de la jurisprudence : le problème de la suspension de l’instance arbitrale. A paraître.
6 Cour de Cassation, arrêt n° RJL mai 1999
7 Cour d’appel de Tunis 9 mars 2004, arrêt n° 6969.

- Revue Tunisienne de l’arbitrage.

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